Le Principe du Moment
Le temps est considéré comme une propriété fondamentale de l’Univers, ou produit de l’observation intellectuelle et de la perception humaine. Quelle que soit la conceptualisation du temps, le problème de sa mesure demeure. L’oeuvre d’art est au coeur de la réflexion sur le temps car elle confère la permanence de la chose à la fugacité de l’inspiration et du geste de l’artiste.
D’une série à l’autre Morvarid K explore le temps, ses corollaires (le mouvement et l’espace), ses effets (la mémoire, l’évolution) ainsi que sa représentation et sa perception.
En 2017, dans sa série « Once Upon A Time » Morvarid K, dans un rythme métronomique, efface la photographie d’un instant passé par une multitude de traits en lignes. Passé, présent et futur finissent par inscrire l’oeuvre dans un non-temps puisque l’encre du stylo utilisé finira par s’effacer dans le futur en faisant ré-advenir dans le présent la photographie initiale, le passé. L’oeuvre marque ici l’aspect cyclique et répétitif de l’histoire des hommes.
Avec « Ecotone », 2019 Morvarid K transpose à la photographie la technique ancestrale de restauration des céramiques brisées à l’aide d’or et de laque. Morvarid K signifie ici non plus la fin, mais un renouveau, le début d’un autre cycle pour les photographies manipulées, abîmées ou déchirées lors de performances dansées . « Ecotone » est une série éminemment contemplative. Contemplation qui nous libère de l’urgence de l’instant.
Morvarid K aborde la question de la mémoire qui ponctue son oeuvre depuis ses débuts dans la série « Yuko Moon » composée de 14 oeuvres constituées à partir de 30 tirages de la même image. Sur un cycle lunaire, chacun des 30 tirages est porté toute une journée par la performeuse Yuko Kaseki contre elle. Chaque tirage devient unique du fait de l’empreinte corporelle différente. Morvarid K dresse alors par un jeu de miroir un portrait en creux de la mémoire et du temps.
L’espace et le temps sont intimement liés. Dans la série « This Too Shall Pass », 2020-2022, le temps est éprouvé non seulement par la photographie même qui témoigne de l’évolution de la destruction par le feu mais également par le déplacement dans l’espace du visiteur invité notamment à tourner autour d’une installation. Au-delà de la métamorphose du monde sous l’effet néfaste de l’action de l’homme, c’est la perception même du temps, l’interruption de la continuité que nous sommes alors invités à expérimenter.
Extraits du texte d’Audrey Bazin.